Aller au contenu principal

Féeries, n° 22, 2025 – Proximités animales et sauvagerie dans les contes

Appel à propositions / Recherche

Du 11 septembre 2023 au 30 juin 2024

Visuel revue Féeries

Cet appel à contributions concerne le numéro 22 (2025) de la revue Féeries.

La tradition orale a livré à la postérité un certain nombre de récits où apparaissent des figures choquantes par leur étrangeté : enfants sauvages, hommes-ours, êtres revêtus de peaux de bêtes, époux, frères, sœurs hybrides ou ensorcelés alimentent un univers où semblent exister des voies de passage entre les règnes animal et humain. La mise en récit de leur étrangeté fait naître des rejetons d’une union avec une bête en les entraînant dans des destinées singulières ou n’hésite pas à sacrifier tel animal enchanté dans des visées qui ouvrent à un questionnement sur la réversibilité de la monstruosité. Un tel héritage suscite chez les auteurs et autrices de la période moderne un double sentiment de fascination et de répulsion. De la fin du XVIe au milieu du XVIIIe siècle, chez des auteurs et autrices de contes littéraires imprimés à destination d’un public choisi, ce malaise va s’accentuant, à mesure que s’accroît la distance de l’élite culturelle avec le monde rural, avec ses croyances diffuses et ses rites et que s’impose « la société de cour » (N. Élias) avec ses idéaux d’éducation, de civilité, de sociabilité galante, de séparation d’avec la part bestiale en soi, de domination de ses gestes et de maîtrise de son langage.

Un des objectifs de ce numéro de revue sera de déterminer comment cette nouvelle production conteuse s’est positionnée par rapport à la question de la sauvagerie : terrain d’expansion pour le merveilleux, qui ne saurait en principe, à la différence du fantastique (Todorov 1970, Lüthi 1982), induire un sentiment de surprise pour les lecteurs, le conte, en faisant cependant une place à de tels sujets dysphoriques semble ébranler cette acceptabilité du merveilleux. En faisant de ce sentiment de malaise la matière même de récits, certains contes poussent ainsi les lecteurs dans leurs retranchements : par ces figures de sauvages, ce sont aussi les limites de ce qu’une société (Belmont 2010) peut accepter en termes de négociation avec le non-humain (union, évitement, souillure, bannissement, chasse…) qui se trouvent interrogées au cours de périodes, l’âge humaniste et les siècles classiques, qui n’ont cessé de débattre sur ce qui est le propre de l’homme et du monde civilisé. Si une récente enquête sur l’homme sauvage (Barrère 2021) a croisé approche sociologique et biologique, elle laisse à entreprendre l’enquête sur la diffusion des récits. Par ailleurs un récent collectif (Boerner et Ferlampin-Acher 2021) sur les Femmes sauvages a laissé de côté le matériau des contes. À travers ces figures, il s’agira aussi de s’interroger sur le traitement narratif et livresque des genres et des âges du sauvage. En effet du XVIe au XVIIIe siècle, les positions sur le débat sur l’humain et le non-humain évoluent, d’autant que le cheminement d’un vivier narratif populaire et oral vers une écriture mondaine et policée ne manque pas de revenir, à travers notamment les livres de colportage, vers une littérature à nouveau populaire, mais écrite cette fois (Chartier 1987, Andries 1989, Bollème 2003, Lüsebrink 2014). Dans ces allées et venues entre deux univers culturels se réitèrent ainsi des ajustements entre espace du salon et monde rural : leur examen pourra être envisagé non seulement dans les textes mais aussi dans les illustrations en prenant en considération les formats éditoriaux qui constituent aussi des guides dans ces ajustements, à l’exemple des travaux qui, pour mieux contextualiser et historiciser la réception des textes, interrogent la médiation de l’éditeur, tant par l’étude des paratextes que par la bibliographie matérielle (Furno 2009, Keller-Rahbé 2010, Reach-Ngô 2011, Chartier 2015). Ainsi, avant l’épisode historique de la Bête du Gévaudan, plusieurs épisodes concernant les méfaits de terribles « Bêtes » dans plusieurs provinces de France alimentent les nouvelles qui remontent vers Paris et nourrissent l’activité imaginative de la Cour et de la Ville.

L’enquête vise à articuler plusieurs directions :

  • L’examen des schémas narratifs et des topiques privilégiés, la place donnée dans le récit aux séquences faisant intervenir l’Homme sauvage (rencontré ou capturé par le héros/l’héroïne), l’Enfant sauvage (hybride d’homme et d’animal, ou nourrisson élevé par des bêtes), le Fiancé animal, l’animal adversaire/secourable, le travestissement sous une peau de bête… ; la dimension philosophique ou politique que peuvent revêtir les représentations de relations interrègnes, d’Ogres, de naissances monstrueuses, d’animaux sauvages terrifiants, de princes transformés, d’animaux-adjuvants capables d’aller jusqu’au sacrifice, etc.
  • La réappropriation littéraire de matériaux oraux et anciens, mais aussi les allers-retours entre production mondaine et production populaire ; les rémanences, dans ces contes lettrés ou populaires, de motifs antérieurs.
  • La représentation de la proximité humain-animal aussi bien dans le texte (composition du récit, organisation du recueil, relevés lexicaux) que par l’image (éditions illustrées : gravures de Marillier, Cabinet des Fées, 1785) ; les contextes de production (sociabilité des salons), les circuits de transmission, la double voie de circulation des textes en éditions soignées et en livrets bleus, la réception des livres et des histoires en question.
  • Les éventuelles interactions avec des parutions (textes, estampes) contemporaines d’ordre « documentaire » (récits viatiques), judiciaire (actes de procès de sorcellerie), romanesque (topique du charme et de l’envoûtement), féerique (contes arabes, contes napolitains de Basile), scientifique (médecine, sciences naturelles, zoologie) ou philosophique (essais, traités sur l’apprentissage du langage, l’état de nature, la vie rustique ou primitive…) ; avec des nouvelles, contes facétieux, contes grivois ou fables ; avec des spectacles pour des fêtes de cour au siècle de Louis le Grand, etc.

Modalités

Les propositions de contributions sont à envoyer à aurelia.gaillardatgmail.com (Aurélia Gaillard).

Date limite pour proposer un sujet de contribution : 30 juin 2024.

Parution : 2025.

Date

Du 11 septembre 2023 au 30 juin 2024
Complément date

Date limite d’envoi : 30 juin 2024

Contact

aurelia.gaillardatgmail.com (Aurélia Gaillard) 

Télécharger

Publié le 20 septembre 2023

Mis à jour le 20 septembre 2023